(Folio 337 verso) Le carosse [de dom Vaussin abbé de Cîteaux et général de l’Ordre] etoit attelé de six chevaux conduit par un cocher et un postillon, suivi par Pierre Burette chirurgien, Pierre Leroy valet de chambre, Nicolas Givois, cuisenier, Jean Patin valet de chambre de Sept-Fonts et trois laquais derriere le carosse, nombreuse suite qui ne put que causer bien de la dépense à la maison qui cependant n’etoit guêres en etat de la soutenir, et qui dut incommoder les monsatères dans lesquels ce nombreux cortege s’arrêta.
Ils furent tous diner à Saint Jean de Lône, et coucher à Dole ; d’où ils continuerent leur voiage, et prirent la route de Suisse, dont ils visiterent toutes les abbayes de l’Ordre.
Dom Du Chemin qui nous en a laissé l’itineraire, assure que, le 12 de mai, passant par (f. 338) la petite ville de Dieshoffen, à trois heures de Schaffouge, on leur fit voir l’église qui sert egallement aux catholiques et aux zwingliens, que dans les fonds baptismaux de ceux ci, qui sont les plus proches de l’autel, ils n’oseroient y garder l’eau du Rhin qu’ils emploïent à leur baptême, parce qu’elle se corromperoit : au lieu que dans ceux des Catholiques qui sont placés un peu plus bas à gauche en entrant par la porte du midy, l’eau benite ne se gâte nullement au bout d’un an.
Le 14 etant arrivés à Constance, on leur fit remarquer dans l’eglise cathédrale proche la porte de la nef, une pierre de la largeur et longueur de 16 pieds sur laquelle l’heresiarque Jean Huss avoit ouït prononcer sa sentence de condamnation au feu.
De Constance, ils arrivèrent le lendemain 15, dans la celebre abbaye de Salem , en Souabe ; dont l’abbé, comme premier abbé de l’Empire, a l’honneur de porter la couronne au couronnement du Roy des Romains : honneur qu’avoit eû l’abbé qui vivoit alors. On offrit autrefois à l’abbé de cette maison le titre de prince de l’Empire ; mais on refusa cet honneur pour eviter la dépense qu’il auroit fallut faire pour (f. 338v) en soutenir l’eclat.
Le 27 du même mois ils arriverent à Reusenghem , autre celebre abbaye encore dans la Souabe, ou le samedy des 4 tems, 30 de mai, dom Vaussin donna la tonsure et les mineurs à deux religieux de ce monastere : le sousdiaconat à un troisieme et le diaconat à deux autres.
Dom du Chemin rapporte qu’il avoit leû dans l’ancienne chronique de cette abbaye, que le pape Urbain IV francois de nation, de famille obscure, et successeur d’Alexandre IV, etoit Religieux de Fosseneuve de l’Ordre de Citeaux en Italie, lors qu’il fut élevé au souverain pontificat. Ce fut dans cette abbaye ou st Thomas d’Aquin venant au concile de Lyon par ordre du pape Gregoire X tomba malade, et mourut, après avoir poursuivi l’explication des Cantiques par St Bernard.
Le 3 de juin suivant ils arrivèrent en l’abbaye de Schontal, en Franconie, ou l’on fit lire à dom du Chemin une bulle du pape Innocent VIII du 16 fevrier 1488 qui permet à l’abbé de ce monastere, et à ses successeurs, de décorer les mors, brides, et selles de leurs chevaux, de garnitures de cuivre doré ; et même de porter les eperons de même metail. Qu’etoit devenu le grand zele de ce bon pape qui le fit tant déclamer contre (f. 339) les déréglemens de l’Ordre de Citeaux dans sa Bulle du 10 août précédent, de laquelle on a parlé en son tems ? Ce seroit en vain qu’on voudroit reprimer le faste et le luxe des moines, quand les papes les authorizent.
Ils trouvèrent une autre Bulle bien plus extraordinaire dans l’abbaye de Brumbach , ou ils arriverent le sept du même mois de juin. Elle est du 17 novembre 1538, et fut accordée à Vienne par un légat à latére, en Bohême, Hongrie et autres paÿs, qui permet à Marc abbé de ce monastere, et à ses successeurs, de conferer les ordres sacrés, même la prêtrise, nonobstant toutes choses contraires. Ce légat, sans doute se crut un pouvoir plus etendu que n’en eut le pape Innocent VIII luy même qui n’estima pas avoir celuy de le transmettre à l’abbé de Citeaux auquel il permit de conferer le soûdiâconat et le diaconat. Il est à présumer que l’abbé de Brumbach, vouloit être plus que son général. Voila la preuve comme l’ambition et l’orgueil ont toujours été de tous les etats et de toutes les nations. Dom Vaussin pourtant obligea cet abbé à lacerer ce pretendu privilege ; mais ce ne fut pas sans peine.
De Brumbach, ils furent le 10 suivant voir la celebre ville de Witzbourg , capitale de la Franconie on les conduisit d’abord à l’eglise cathédrale dont le chapitre n’est composé que de (f. 339v) 18 chanoines auquel nul autre n’est agrégé à ce qu’on leur dit, que l’un des six expectans et qu’on appelle domicelli, dont le plus ancien succede au premier chanoine qui decede, mais qui n’est admis au nombre des capitulans qu’après avoir été emancipé, c'est-à-dire après avoir passé les epaules nuës à travers du corps des chanoines rangés dans une grande sale, lesquels ont chacun une poignée de verges à la main dont ils frappent sans ménagement, en présence des enfants de choeur et de leur maitre.
Que l’élection de l’évêque de ce lieu venant à tomber sur quelqu’un qui n’est point capitulant, il doit, irremissiblement avant que d’etre recû, passer par cette singuliere emancipation, et celuy qui l’etoit alors n’en avoit pas été dispensé, n’y aucun autre, quoy que plusieurs auroient donné des trésors pour eviter de faire cette ceremonie.
Etans le 23 du même mois de juin dans l’abbaye de placs Plag en Bohême, dom Vaussin recû la lettre suivante pour l’Empereur, ecrite entièrement de la propre main du Roy Louis XIV.
A l’Empereur monsieur mon frère.
Monsieur mon frère. Le sieur abbé chef et général de l’Ordre de Citeaux, qui est personne de merite et de vertu singuliere, (f. 340) allant faire les visittes des monastères qui dépendent de son Ordre, dont il y en a plusieurs de scitués dans l’étendue de votre obeïssance, j’ay désiré l’accompagner de cette lettre, dont le sujet n’est pas tant affin de prier votre Majesté de le favoriser pour un si bon dessein, sçachant assés que les actions de piété n’ont pas besoin de recommandation auprès d’elle, que plustôt pour luy faire connoitre que je ne désire point laisser passer d’occasion de donner a votre Majesté des marques de la continuation de mon estime et affection vers elle, que je ne les embrasse avec tout le sentiment qu’elle peut desirer, etant, monsieur mon frère votre bon frere Louïs.
A Paris ce 15 avril 1654.
Le 26 ils arriverent en l’abbaye de Ronigsael, d’où le lendemaiin 27, ils partirent pour aller à Prague rendre leurs devoirs au viceroy de Bohême, auquel il envoya demander l’audiance par l’abbé de Ronigsael, qui luy presenta de la part de dom Vaussin des lettres de confraternité et d’association à l’Ordre, lesquelles ce seigneur recut avec de grandes démonstrations de bonté et de reconnoissance, et donna heure au lendemain dans le château, ou l’abbe de Citeaux et (f. 340v) ceux qui l’accompagnoient furent invites à manger.
Dom du Chemin qui profita de cette petite remise pour s’informer des antiquités de cette grande ville, dit qu’entre autres choses on luy fit remarquer dans ses chroniques imprimés à Hayn, Hanno-viae, ville de la Silesie du Roïaume de Bohême, que ce qui avoit occasionné en partie la révolte et le schisme de Jean Huss bohemien et bachelier en theologie, avoit été la Bulle du pape Jean XXIII, qui ordonnoit la Croisade contre Ladislas Roi de Naples qui luy faisoit la guerre en 1412, que cette Bulle etant venuë à la connoissance de Jean Huss cet heresiarque en prit le pretexte de faire afficher une theze à tous les carrefours de Prague laquelle il soutint publiquement : scavoir, si la Croisade ordonnée par le pape Jean XXIII contre Ladislas Roi de Naples et ses adherans, pouvoit être approuvée par les fideles, comme une guerre entreprise selon la loi de J.C., pour l’honneur de Dieu, le salut du peuple chretien, et pour l’utilité de l’Etat.
Le Recteur de l’université ayant prié le peuple de se retirer du lieu ou se faisoit la dispute, les docteurs reprocherent (f. 341) à Huss sa témérité ; sur quoy le peuple voulant les lapider, Jerome de Prague harangua ; et dit qu’il soutiendroit la même doctrine en plein Senat, et que quiconque seroit de son avis, n’auroit qu’à le suivre : à quoy le peuple applaudit et le suivit.
Ainsy s’éleva l’une des plus grandes, et des plus dangereuses heresie qui ayent affligé l’Eglise, et dont les suites ont été les plus funestes et les plus tragiques.
Le dimanche 28 du même mois de juin, dom Vaussin retourna à Ronigsael pour assiter a la premiere messe de dom Bouchu son neveu abbé de Sept-Fonts. Dom du Chemin assure qu’ils eurent mille peines d’empêcher les religieux de chanter à la grande messe, le Gloria in excelsis, le credo, l’offertoire et la post-communioin en langue bohemienne .
Etans arrivés le 8 de juillet dans l’abbaye d’Hohenfurth , sur la Moldave, on leur donna le divertissement de la pêche des perles, qu’on trouve dans des coquilles semblables à celles des moules qui sont dans les etangs de France.
Dom du Chemin observe que celle qu’ils virent pêcher etoient encore trop petittes pour avoir pû y trouver de belles perles (f. 341v) qu’elles avoient été epuisées par les soldats de Galas etants en Bohême qui pecherent indifferemment toutes les coquilles grosses et petittes, qu’ils trouverent, ce qui causa une perte de plus de 50 000 £ à l’abbaye ; et que n’ayant pas eû soin de les rejetter dans l’eau à mesure qu’ils les ouvroient et en tiroient les perles, la pourriture si mit à un tel point, que la puanteur, qui en sortoit infectant l’air, Galas qui craignit qu’elle n’occasionnasse une maladie contagieuse parmy ses soldats, les fit toutes jetter dans l’eau, après que sa femme eut fait provision de ces perles ; qu’en particulier un soldat en avoit trouvé une assez belle pour avoir été venduë 60 patagons, monoie de Flandres qui valut d’abord 48 et ensuitte 58. Il ajoute qu’a la verité, ces perles n’ont pas autant d’eclat que celles d’Orient, mais que cependant elles sont assez luisantes ; qu’elles se nourissent et grossissent de l’aliment qu’elles prennent de la chair du poisson enfermé dans les coquilles auquel elles tiennent par des petites pointes qui y sont comme des petites mammelles ou cannaux d’ou elles tirent leur aliment : quelles sont meurs et dans leur perfection, quand elles tombent d’elles mêmes ; mais que lorsqu’on les arrache (f. 342) plus tôt, elles sont de peu de valeur, fussent elles rondes, grosses, et éclatantes, parce qu’alors elles etoient sujettes à se casser, ou escacher.
Dom Vaussin qui n’avoit recu jusques la que des honneurs partout ou il avoit passé, et qui avoit tout lieu d’etre content de son voïage, commença à essuier ds contrariétés facheuses. L’abbé de Wilhering , en Autriche, qui etoit venu ce même jour pour la forme seulement, luy offrir sa maison, en attendant qu’il eut obtenu le consentement de l’Empereur pour entrer dans cette province, luy fit cependant entendre qu’il seroit plus a propros de choisir un autre monastère, quoy que le sien fut plus proche par ce que (dit-il) il convenoit d’aller à Vienne, avant que d’entreprendre la visite des monasteres d’Autriche ; attendu les deffenses qu’il avoit eû de recevoir aucun visiteur sans le consentement de l’Empéreur ainsy qu’il avoit été reglé, depuis deux ans, pour tous les Ordres.
A ce discours qui ne put que causer de la défiance, dom Vaussin répondit qu’il commenceroit dez le lendemain la visite de ses monastères d’Autriche, par celuy de Wilhering même, et cependant ecrivit au (f.342v) gouverneur de Lintz, ville la plus prochaine de l’abbaye d’Hohenfurth, et 25 lieuës d’Allemagne au dessus de Vienne, pour demander l’original des pretenduës deffenses de sa majesté imperiale ; le prieur d’Hohenfurth fut porteur de cette lettre de même que de celle de son abbé pour le même sujet.
Mais ce religieux n’ayant pas trouvé le gouverneur de Lintz, il fut obligé de luy envoyé ses lettres ou il etoit, et fut à Wilhering, distant de deux lieuës de cette ville ; il eut soin d’engager l’abbé et ses religieux de recevoir honnorablement dom Vaussin, qui y arriva le landemain 9 comme il l’avoit dit, et le 10 le gouverneur de Lintz luy fit faire des excuses de n’avoir pû le recevoir luy même chés luy pour luy temoigner l’estime qu’il faisoit de sa personne, et l’assurer qu’il etoit le bien venu en Autriche : ce qui etoit bien opposé à ce que cet abbé avoit dit deux jours auparavant.
Sur ces assurances n’hesita pas à continer son chemin : cependant le 19 etant dans l’abbaye de Zwethl un religieux de celle de Heyligen-Creutz arriva à onze heures du soir avec une lettre de son abbé qui donnoit avis à dom Vaussin qu’au moment (f. 343) qu’il se disposoit pour aller à sa rencontre, il recut un ordre le comparoir au Conseil aulique, qui luy enjoignit, de la part de l’Empereur de notifier à son général les deffenses de sa M. imperiale d’entrer plus avant dans l’Autriche.
Il n’en fallut pas d’avantage pour faire retourner dom Vaussin sur ses pas. En effet il reprit la route de Baumgastenberg , dont l’abbé étoit aimé de ses religieux, à un point, dit dom Chemin, qu’ils le considéroient comme un ange, il adjoute qu’il etoit vêtu de mêmes etoffes de laine qu’eux et non pas de soye comme la pluspart des autres abbés de ce pays la. Quel sujet de gémissemens que des moines croient pouvoir s’attirer l’estime et la vénération du public quand ils luy sont une pierre de scandale et qu’ils sortent des bornes de la modestie religieuse ! Quel aveuglement !
Ce fut dans ce monastere, que des le 22 du même mois de juillet, dom Vaussin indiqua son Chapitre national de la congrégation de la Haute-Allemange au 27 du mois d’aout suivant, dans la ville imperiale de Rotweil, en Souabe, comme l’endroit de toute l’Allemagne le plus convenable pour assembler les abbés, et qui l’approchoit (f. 343v) le plus de la ville de Fribourg en Brisgaud ou il voulut passer par ce que le sieur de Crespan son frere, premier capitaine au Regiment de Condé, mort des blessures qu’il recut à la bataille que Louïs de Bourbon duc d’Anguien et ensuite prince de Condé, donna aux Bavarois, et qu’il défit sur la montagne entre cette ville et celle de Brisach, etoit inhumé dans l’eglise de Saint-George qui est sur le grand chemin qui conduit à ces deux villes.
Le 26 etant dans l’abbaye de Furten-Cel en Baviere, il recut une lettre du 22 precedt de l’abbé d’Heyligen-Creutz qui le prioit de ne point sortir de Zwethl, ainsy que l’Empereur le souhaitoit, jusqua ce que son affaire eut été davantages examinée, se flattant de l’heureux succez des mémoriaux qu’il avoit presenté à sa majesté impériale.
Dom Vaussin qui luy fit réponse le landemain, luy manda qu’aprez l’ordre que luy même luy avoit signifié de la part de l’Empreur, il n’avoit pû rester davantages en Autriche, sans se rendre coupable ; ce qui l’affligeoit d’autant plus qu’il ignoroit ce qui pouvoit luy avoir attiré une disgrace de cette nature, d’autant (f. 344) plus qu’avant d’entrer en Autriche il avoit eû l’honneur d’informer sa majesté imperiale des motifs de son arrivée dans ses Etats, en attendant qu’il eut celuy d’aller en personne luy rendre ses hommages à Vienne : qu’au surplus ayant indiqué son Chapitre national de la Congrégation de la Haute-Allemagne au 27 d’aout suivt il ne luy etoit plus possible de retourner en Autriche.
Le 31, dernier jour de juillet, dom Bouchu ayant pris la maladie du pays, et se dégoutant du voïage, prit la poste avec son valet de chambre pour se rendre à Sept-Fonts.
Ce même jour dom Vaussin arriva en l’abbaïe de Raitenhaslach ; ou un exprêt de l’abbé de Heligen-Creutz luy apporta le decret du Conseil aulique du 24 du même mois par lequel l’Empereur ordonnoit à l’abbé général de l’Ordre de Citeaux de surseoir à ses visittes des monasteres scituez dans ses Etats. On apprit dans la suite que l’ambassadeur d’Espagne, et l’abbé de Rein en Stirie, de même que celuy de Lilien-Feldt, en Autriche avoient été les moteurs de tout cecy, et avoient fait éprouver ce contretems a dom Vaussin.
Les R.R.P.P. jésuites de la petite ville (f. 344v) de Burghusim, dit dom du Chemin sollicitoit vivement l’union de cette abbaye de Raitenhaslach, à leur college, imputans aux moines de cette maison d’avoir été dans les cabarets de cette vilotte. Les confreres de France de ces zelés religieux, ne furent pas si scrupuleux, environ trente ans aprez, que le recteur et le procureur de leur fameux college de la Flêche attirerent dans un cabaret de la ville d’Angers un religieux de l’abbaye de Belle-Branche, avec lequel par traité du onze de fevrier 1684 ils stipulerent pour la vente de la manse conventuelle de son monastere. Nous parlerons plus au long de cet evénement dans son tems.
Le 13 d’août dom Vaussin etant sortit de la Bavière, entra en Souabe, et vint coucher à Ausbourg ; et le 19 à l’abbaye de Salem , d’où le lendemain, jour de la fête de saint Bernard, il ecrivit aux magistrats de Rotweil pour leur demander seurété et assistance pour le Chapitre national qu’il avoit convocqué dans leur ville.
Le 24 etant à Tutelingen il recut la réponse de ces M.M. qui le remercioient de (f. 345) l’honneur qu’il leur faisoit de choisir leur ville pour la celebration de son Chapitre national, luy témoignant le déplaisir qu’ils avoient de ne pas se trouver en etat, depuis les guerres, de le recevoir selon ses mérites et selon leur desir.
De Tutelingen il fut coucher le même jour à Rottmunster, abbaye de filles ou il fit sa visitte, et ouvrit son chapitre le jeudy 27 d’août dans la sacristie de cette maison, après la messe celebrée pontificalement par l’abbé de Saint-Urbain, à la fin de laquelle il donna la bénédiction solennelle, cette première session dura depuis huit, jusques à dix heures du matin, aprez laquelle il transfera son Chapitre à Rotweil ou tous les abbés l’accompagnèrent en cortege, et ou les magistrats luy rendirent tous les honneurs possibles, ayant fait tenir leur milice sous les armes aux portes à son entrée dans la ville, le firent complimenter par leurs députez, qui le conduisirent dans l’appartement qu’ils luy avaient fait préparer en la grand-ruë qu’ils avoient fait netoyer exprêt, de même que les autres, et luy firent present de vin, de viande, de boisson, et d’avoine pour ses chevaux.
(f. 345v) Le 30 d’août, landemain de la cloture du Chapitre, aprez que dom Vaussin eut celebré la messe basse au grand autel de la maitresse eglise de cette ville, à laquelle tous les abbés assistèrent ; qu’ils l’eurent reconduis dans son logis, et remercié de l’honneur qu’il leur avoit fait et à leur congrega[ti]on, il ordonna qu’au nom du Chapitre national on feroit present à la ville de Rotweil d’un vase d’argent doré sur lequel ses armoiries, et celles des abbés qui avoient assistés au Chapitre seroient gravées, lesquels donnèrent pour cela chacuns deux sequins , et dom Vaussin en donna six, quatre pour luy et deux pour l’abbé de Neufbourg qui n’etoit pas en etat de rien donner, à cause des pertes que son monastere venoit de faire pendant la guerre, ce qui faisoit en tout 38 sequins, dont six furent distribuez partie aux dominicains, partie aux pauvres religieuses, et à ceux de l’hopital : les 32 qui resterent furent déposés entre les mains de l’abbé de Vettingen en Suisse qui se chargea de tout ; ensuite dom Vaussin se mit en chemin pour retourner en Bourgogne par la Forêt-Noire, l’Alsace, la Franche-Comté, et arriva de Dôle (f. 346) à Citeaux le 9 de 7bre tout d’une traite.
Son arrivée en Bourgogne n’arrêta pas le cours des chicannes de l’abbé des Prieres, et n’en diminua pas le nombre : au contraire, il les avoit augmentées et renduës plus interressantes en incidentant de nouveau sur son élection de laquelle il interjetta appel comme d’abus au Parlement de Paris, de même que de l’execution des bulles confirmatives d’icelle, ce qui faisoit le douzieme chef d’appella[ti]on comme d’abus interjetté de sa part et de celle des autres réformés.
La suite dans Analecta cisterciensia, Annus XLI - 1985, Fasc. 1-2 - Jan.-Déc.Louis J. Lekai, Les « Annales de Cîteaux de Nicolas Cotheret » (II), p. 205 et ss.