Homélie TO 15
16ème dimanche du temps ordinaire
1ère lecture : « Va, tu seras prophète pour mon peuple » (Am 7, 12-15) Psaume : Ps 84 (85) R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour et donne-nous ton salut. J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Amour et vérité se rencontrent, Le Seigneur donnera ses bienfaits, 2ème lecture : « Il nous a choisis dans le Christ avant la fondation du monde » (Ep 1,3-14) Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens Béni soit Dieu, le Père Il nous a choisis, dans le Christ, Il nous a prédestinés Ainsi l’a voulu sa bonté, En lui, par son sang, C’est la richesse de la grâce Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, En lui, nous sommes devenus En lui, vous aussi, « Il commença à les envoyer » (Mc 6,7-13) © AELF - Paris 2013 Homélie
Tous les évangélistes ont écrit leur évangile pour que nous ayons la foi et qu’en ayant la foi, nous ayons la Vie. L’évangile de St Marc est connu pour être le plus adapté aux catéchumènes. En effet, il décrit plus que les autres les étapes de la foi, son évolution, ses épreuves, depuis la foi de l’hémorroïsse qui peut paraître superstitieuse, à celle étonnante, du centurion romain qui le premier s’exclame : « vraiment cet homme est le Fils de Dieu ». Une des caractéristiques de St Marc est « le secret messianique » c’est-à-dire la demande de ne pas dire trop vite que nous savons qui est Jésus avant de le voir mort sur la croix et de reconnaître en Lui le Messie. La foi chrétienne. La lecture de l’évangile de dimanche dernier terminait en signalant l’étonnement de Jésus devant le manque de foi de ses compatriotes de Nazareth. Manque de foi ? N’étaient-ils pas tous rassemblés à la synagogue le jour de sabbat pour prier Dieu ? Les juifs n’ont pas attendu Jésus pour croire en Dieu ! Cette petite remarque nous apprend trois choses. 1) Jésus n’est pas venu nous révéler que Dieu existe, mais qu’il nous aime, non pas globalement mais chaque être humain personnellement. Il veut tirer chacun de nous des forces du Mal. Non pas par des discours mais par des actes, étant lui-même cette incarnation de l’amour divin. « Dieu n’envoie pas la grâce par la poste, il l’apporte lui-même » (pape François). Le dessein de Dieu est que chaque être humain puisse devenir son enfant. « Il est venu dans le monde et le monde ne l’a pas reçu. Mais à ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jean 1,12). Que l’on soit juif, chrétien, blanc ou noir, riche ou pauvre, chaque être humain est appelé à partager la vie même de Dieu. C’est cela « le salut du monde », c’est la réussite de la création. Personne d’autre que Jésus n’a jamais proposé une telle vocation en s’adressant à tous les hommes. 2) Ce n’est pas la religion qui sauve, c’est la foi en Jésus reconnu comme envoyé du Père et sauveur du monde. Les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres, ils sont différents. Comme les autres, ils peuvent être des pratiquants mais ne pas avoir la foi que Jésus demande. Les nazaréens croyaient en Dieu et le priait mais la pratique de la Loi remplaçait la foi telle que Jésus la révèle. Il nous faut passer du « vieil homme » soumis au Mal, ce que chacun est de naissance à « l’homme nouveau » comme dit St Paul : une renaissance dans notre manière d’être et de vivre. Aimer Dieu en aimant son prochain voilà l’essentiel de la révélation chrétienne. C’est cela que les 12 apôtres doivent vivre avant de le dire. C’est pourquoi ils sont envoyés deux par deux. C’est notre manière de vivre en relation avec les autres qui est le test de notre amour de Dieu. D’où les deux commandements qui résument la Loi. 3) La foi est un acte personnel. Jésus aurait pu envoyer ses disciples pour annoncer un grand rassemblement autour de Jésus sur l’esplanade du Temple. Le succès des grandes foules autour du pape pour les JMJ ou au cours de ses voyages supposent, en amont, un intérêt qui n’est pas simple euphorie collective. Il y a un face à face dans la rencontre personnelle avec Jésus à travers ses témoins. La mission. « Jésus commença à les envoyer en mission deux par deux. » L’intérêt de l’évangile d’aujourd’hui est qu’il nous parle d’une première mission, du B.A. BA de la mission avant la Pentecôte. Après Pentecôte, le message des disciples est d’annoncer : « Ce Jésus que vous avez crucifié est ressuscité ». Mais ici Jésus n’est pas encore mort et quand il prêche de quoi parle-t-il ? du Royaume des cieux dans lequel chacun est appelé à entrer. Ce Royaume ne lui est pas extérieur, c’est lui-même qui incarne la miséricorde divine en étant attentif à chacun, en guérissant les malades… « Il est passé en faisant le bien ». Il est lui-même la Vie. Accueillir Jésus c’est accueillir le Royaume. Une autre caractéristique de notre évangile est que Jésus envoie ses disciples en mission sans parler de message à faire connaître. Il ne leur dit pas : vous raconterez la parabole du semeur ou celle du Père prodigue… Pas de consigne à ce sujet. En revanche, il donne des détails sur leur façon d’être et de se comporter, en exigeant deux choses : la pauvreté et l’humilité. « Ne rien prendre pour la route… ». Les apôtres n’apportent pas la lune, ils s’apportent eux-mêmes en mendiant gîte et couvert. Ils mettent ainsi leurs interlocuteurs dans la liberté d’ouvrir ou de fermer leur porte. Il s’agit d’amour réciproque manifesté en actes, avant les paroles. St François d’Assise envisageait aussi cette première mission en disant à ses frères « on peut évangéliser aussi par la parole ». Le plus important n’est pas ce que nous disons mais ce que nous sommes. Et le message chrétien n’est pas séparable de la Vie qui nous est donnée par la foi. Aujourd’hui, on parle beaucoup de « nouvelle évangélisation ». Avant d’évangéliser les autres, nous devons nous laisser évangéliser nous-mêmes. Ensuite nous sommes, chacun, envoyés en mission par notre baptême et par notre confirmation. Chaque fois que nous venons à la messe le prêtre nous envoie en mission. Dans la foi, c’est Jésus qui renouvelle pour nous cet envoi au monde qui est le nôtre. Les premiers destinataires de l’évangélisation c’est nous-mêmes. Dans la mesure où nous accueillons en nous l’Esprit de Jésus. Nous n’avons pas été baptisés pour être des chrétiens catholiques ou protestants, conciliaires ou intégristes, nous avons été baptisés pour être des enfants de Dieu, pour crucifier « le vieil homme » qui habite en nous, en faveur de « l’homme nouveau » qui doit naître et grandir. « Nous ne naissons pas chrétiens, nous le devenons » (Tertullien). À nous d’ouvrir notre porte. Sommes-nous « ouverts » ou « fermés » ? Quelle est notre capacité d’accueillir un étranger ? La question est d’actualité. Jésus court encore aujourd’hui le risque que nous ayons envers lui le même refus que ses compatriotes. Pour terminer, pensons à l’exemple que donne notre pape François en voyage missionnaire en Amérique latine. Il se présente comme « le témoin de la miséricorde de Dieu » (miséricorde = qui a le cœur sensible à la misère des autres). Retenons son habitude de visiter les prisonniers, des êtres que la société a jugés dangereux. Il ne va pas les féliciter de leur crime ou leur faire la morale. Il commence par les remercier de l’avoir accueilli. Il leur dit que lui-même aurait pu être condamné s’il avait une enfance et une vie semblable à la leur. Même pape il est un homme pardonné. Jésus est venu sauver tous les hommes et non les condamner. Voilà la bonne nouvelle, l’évangile à faire connaître avec humilité et pauvreté.
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