Homélie TO 14
14ème dimanche du temps ordinaire
1ère lecture : « C’est une engeance de rebelles ! Qu’ils sachent qu’il y a un prophète au milieu d’eux ! » (Ez 2, 2-5) Psaume : Ps 122 R/ Nos yeux, levés vers le Seigneur, attendent sa pitié. Vers toi j’ai les yeux levés, Comme les yeux de la servante Pitié pour nous, Seigneur, pitié pour nous : 2ème lecture : « Je mettrai ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure » (2 Co 12,7-10) Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens « Un prophète n’est méprisé que dans son pays » © AELF - Paris, 2013 Homélie
J'ai longtemps cherché ce que je pouvais vous dire à propos de ce petit passage d'évangile ! Alors j'ai essayé d e me rappeler tous ces visages de gens ou d'amis qui se disent incompris, tous ceux qui étaient pleins d'entrain et qui voient leur entreprise mise à mal en un clin d'oeil, tous ceux qui pensaient que le monde les attendait et qui s'aperçoivent qu'ils sont face à des murs qui ne leur renvoient aucun écho. Essayez donc de faire du neuf quand on vous a catalogué et qu'on n'attend plus rien de vous ! Et pourtant, comme le dit une femme que je citerai tout à l'heure « mes traversées (c'est-à-dire toutes les humiliations dont j'ai été victime) m'humanisent-elles, ou font elles de moi une éternelle victime ? » (Magdala HOLLANDER-LAFON, Quatre petits morceaux de pain, p. 90). Savoir transformer un échec ! Eh bien, il en va un peu de même ce matin pour Jésus, dans ce passage de l'évangile de St Marc. Et puis d'abord, pourquoi raconter un échec, sauf peut-être pour nous souligner que c'est la seule fois dans l'évangile où Jésus fait part de son étonnement, preuve que l'incrédulité le touche, mais aussi que l'on touche à un point très important, celui de la foi ! Ou, plutôt, c'est celui de la non-foi. Dimanche dernier, on nous racontait ce splendide épisode de cette femme qui vient toucher subrepticement le manteau de Jésus pour pouvoir être guérie. Et chacun des deux sent que quelque chose se passe en son corps : Jésus, qu'une puissance était sortie de lui, la femme que son corps avait changé. Tout aurait pu se passer dans le silence (comme la femme le souhaitait) : mais non, un dialogue merveilleux s'instaure, celui de la foi. Ce matin c'est le contraire. Des murmures, des critiques, des désapprobations. Mais d'abord aucune n'est adressée directement à Jésus. La critique est aisée, mais l'art est difficile. Mais, ce qui est pire c'est le refus des ses interlocuteurs de se laisser interroger en vérité à son propos et après sa réduction à l'impuissance : « il est vraiment nul celui qui nous parle » ! Contrairement à la femme les détracteurs n'ont pas eu recours à Jésus, ils ne sont passés par aucune crainte, ils n'ont eu aucun dialogue. Ils sont figés dans la superbe de leur propre savoir, fermés à toute nouveauté. Le véritable problème n'est pas de savoir si Jésus est satisfait parce qu'on croit en lui, ou déçu de voir qu'on ne croit pas en lui. La foi s'offre sur le mode de la confiance plutôt que de la croyance et tourne vers l'Autre le désir beaucoup plus que le savoir. La foi c'est le lieu d'une ouverture confiante où la puissance peut jaillir. Mais ce Jésus qui nous parle n'a aucune puissance, d'ailleurs voyez de qui il est le fils. Le lieu d'une ouverture ou d'une rencontre, mais elle ne peut avoir lieu, les détracteurs se cachent comme un peu les collabos pendant la guerre qui dénonçaient en douce ! Alors on peut peut-être mieux comprendre pourquoi Jésus ne pouvait pas faire de miracle. Le miracle c'est de donner la vie, de recréer la vie là où l'on pensait que tout était mort. Mais le propre de tous ceux qui critiquent Jésus est justement de méconnaître leur suffisance, de méconnaître qu'une nouvelle vie peut s'ouvrir à eux. Or la puissance de guérison ne peut s'exercer que par les mains qui trouvent à se poser sur des êtres faibles, préservés d'autosuffisance. Le miracle réclame la confiance, tout comme souvent le malade revient à la vie s'il a trouvé une source de confiance en lui et en les autres. La foi, c'est peut-être de croire que les paroles de celui qui nous parle peuvent nous donner ou nous redonner la vie, peuvent nous tracer une ligne de vie. Mais sommes-nous désireux de donner sens à notre vie en écoutant ce que Jésus nous enseigne ? Magda Hollander-Lafon sortie de sa captivité avait besoin de retrouver toute sa confiance et de guérir les plaies de sa captivité. Elle trouve sur son chemin des regards et des gestes et des paroles qui l'ont ré enfanté dit-elle. Ré enfanter, c'est redonner la vie 1 Mais aussi elle n'a cessé de s'aider elle-même. Elle découpait des petits cartons de couleur où chaque jour elle traçait en majuscules de nouveaux mots encourageants « Magda tu réussiras », « Magda, fais-toi confiance », « Magda n'écoute pas les personnes qui te découragent ». Je les gardais dans ma poche dit-elle et les touchais du bout des doigts quand je perdais confiance. Il nous faut avoir, nous aussi dans notre coeur, ces petits cartons bien utiles lorsque nous commençons à douter, à perdre pied, à refuser d'entrer dans de nouvelles pistes.
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