Homélie TO 25
25ème dimanche du temps ordinaire
1ère lecture : « Mes pensées ne sont pas vos pensées » (Is 55, 6-9) Psaume : 144, 2-3, 8-9, 17-18 Chaque jour je te bénirai, 2ème lecture : « Pour moi, vivre c'est le Christ » (Ph 1, 20c-24.27a) La générosité de Dieu dépasse notre justice (Mt 20, 1-16) © AELF - Paris 1980 Homélie
- Frères et soeurs, si Dieu était un mathématicien, il n'y aurait aucun problème. Mais malheureusement - ou plutôt, heureusement ! - il ne l'est pas. S'il était un mathématicien, nous pourrions savoir quelle est sa façon de raisonner : à une action correspond une réaction, autrement dit, en l'espèce, à une bonne action, une récompense. Car, lorsque Dieu est réduit à nos mesures humaines, enfermé dans les schémas de notre logique, il n'est là que pour distribuer des prix ou des châtiments. C'est ainsi que l'on instaure avec lui un rapport de donnant-donnant, où les bonnes oeuvres représentent le travail accompli, et le paradis, le salaire. En lisant cet évangile que la liturgie nous propose, ne soyons pas pressés d'arriver à la fin, où il est question de rétribution. Autrement, nous risquerons de conclure, un peu trop vite : « Dieu fait ce qu'il veut, il récompense comme il veut et qui il veut. » Mais cela serait de l'arbitraire pur et simple. La parabole d'aujourd'hui met en cause non seulement l'image que nous nous pouvons faire de Dieu, mais aussi, par voie de conséquence, le type de relation que nous pouvons instaurer avec lui. Le rapport avec Dieu relève-t-il de l'échange ou de l'amour ? En théorie, la réponse est tellement évidente qu'il est même inutile de poser la question. Mais le problème est de savoir si, dans les faits, notre vie confirme la théorie ou bien lui donne un démenti. Au fil du texte de la parabole, on remarque des particularités assez surprenantes. Tout d'abord, le patron se met personnellement en quête des ouvriers. Il ne se sert pas d'intermédiaires, ni de recruteurs. Il ne craint pas de s'impliquer lui-même et, qui plus est, il sort encore pour chercher des ouvriers quand il ne reste plus qu'une heure avant la fin du travail. Bizarre. En fait, ce patron est un très mauvais patron ; il n'a pour but ni l'efficacité ni le rendement. De plus, le critère qu'il adopte pour payer le salaire de ses ouvriers est tout à fait antisyndical ; mais ce n'est pas non plus un critère patronal, car, à ce régime, le patron risque fort d'aller tout droit à la banqueroute. Or, la parabole est construite de telle façon que le lecteur s'identifie spontanément aux ouvriers embauchés au petit jour ; du coup, il se sent partie lésée. Le critère salarial enfreint le principe de la justice distributive. Pourtant, ce critère n'est pas injuste. Tout d'abord, parce que de toute façon le patron paie ce qui avait été convenu d'avance ; mais surtout, parce que la logique qui inspire le patron n'est pas celle de l'échange, mais celle de la magnanimité, de la miséricorde, de la gratuité du don. Au surplus, frères et soeurs, réfléchissons-y un peu : quels mérites proportionnés à la récompense pouvons-nous faire valoir vis-à-vis de Dieu ? Prétendre une rétribution selon les mérites, c'est l'attitude propre à ceux qui se croient justes. Mais ceux qui se croient justes ne ressentent pas le besoin d'être sauvés. Leur Dieu à eux n'est qu'un grand distributeur. Le dieu des justes est en réalité leur serviteur, non leur Dieu. Leur rapport avec lui n'est point un rapport de gratuité, ni d'amour. Frères et soeurs, ce que cette parabole nous révèle, c'est que, pour nous faire une idée adéquate de Dieu, nous ne devons pas partir de l'homme et multiplier par mille, ou dix-mille, ou un million, ou un milliard... La distance entre Dieu et l'homme est un abîme et ne peut pas être réduite à nos mesures humaines. Le prophète Isaïe nous le disait, dans la première lecture : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au dessus-de vos pensées, déclare le Seigneur. » L'action du Père est comparable au soleil qui illumine toujours, sans aucune diminution de lui-même et avec une générosité, une magnificence qui est égale pour tous. Pour être éclairé et réchauffé, il suffit de s'exposer entièrement à ses rayons. L'image vaut ce qu'elle vaut, elle est bien imparfaite, mais cela est inévitable lorsqu'on parle de Dieu. Frères et soeurs, en guise de conclusion, j'offre à votre méditation la remarque d'un poète, Paul Claudel, assez déroutante à première vue, mais qui me paraît très profonde : « Votre miséricorde, Seigneur, est comme un artiste de génie qui se moque de toutes les règles. » (Un poète regarde la Croix)
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