Homélie - Épiphanie
Homélie pour la fête de l'Épiphanie 1ère lecture : Les nations païennes marchent vers la lumière de Jérusalem (Is 60, 1-6) Lecture du livre d'Isaïe Psaume : Ps 71, 1-2, 7-8, 10-11, 12-13 R/ Parmi toutes les nations, Seigneur, on connaîtra ton salut Dieu, donne au roi tes pouvoirs, 2ème lecture : L'appel au salut est universel (Ep 3, 2-3a.5-6) Évangile : Les mages païens viennent se prosterner devant Jésus (Mt 2, 1-12) Acclamation : Alléluia. Alléluia. Nous avons vu se lever son étoile, et nous sommes venus adorer le Seigneur. Alléluia. (cf. Mt 2, 2) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu © AELF Homélie
Frères et soeurs, il me plaît de commencer cette homélie par un mot de st Bernard disant : « Cette fête est notre fête ! » Comment cela, me direz-vous ? C'est que les mages sont nos ancêtres dans la foi, ils sont les prémices des nations païennes qui se mettent en route vers Jérusalem pour découvrir et adorer le Christ. Les mages n'appartiennent pas au peuple juif, le peuple de Dieu. Nous aussi, nous faisons partie de cette Église des nations qui est venue se greffer sur la souche du peuple choisi par Dieu, le peuple d'Israël. C'est le mystère caché en Dieu dont nous parlait st Paul dans la deuxième lecture : « Ce mystère, c'est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l'annonce de l'Évangile. » Telle est la bonne nouvelle, l'annonce de joie que la fête de l'Épiphanie nous apporte : Dieu offre son salut à tous les hommes. Tous les hommes peuvent rencontrer le Christ. Le long voyage accompli par les mages nous montre que pour rencontrer le Christ on peut venir de loin, et même de très loin. Les mages viennent de Chaldée, l'Iraq actuel ; ce sont des sages, versés dans la science des astres. Ils connaissent les chemins des constellations et savent lire les signes du ciel. Mais surtout, ce sont des chercheurs de Dieu et, apparemment, connaissent les Écritures juives, puisqu'ils prennent la même route qu'Abraham avait empruntée plus de mille ans auparavant, de la Chaldée vers Jérusalem, car le salut vient des Juifs. Les mages cherchent ce Dieu qui, le premier, est venu à la rencontre de l'homme ; car, comme l'écrit st Bernard dans sa langue admirable : «Nul ne peut chercher Dieu qui ne l'ait trouvé d'abord. Il veut qu'on le trouve afin qu'on le cherche, qu'on le cherche afin qu'on le trouve. Mais, s'il est possible et de le chercher et de le trouver, nul ne saurait le prévenir. » (Dit 22) Oui, c'est toujours Dieu qui, le premier, vient à la rencontre de l'homme. Mais il y a des manières bien différentes de l'accueillir. Cet évangile met en regard deux façons totalement opposées d'accueillir le Messie. D'un côté, il y a le roi Hérode qui «fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui ». De l'autre, les mages qui « éprouvèrent une très grande joie ». Dès le commencement de l'évangile, l'humanité se divise entre ceux qui accueillent le Christ et ceux qui le rejettent. Hérode est le type du tyran qui vit son pouvoir non comme service mais comme domination. Il est l'image de tout pouvoir totalitaire qui se dresse avec arrogance contre Dieu et qui écrase les hommes, exigeant d'eux cette obéissance qui n'est due qu'à Dieu seul. Autour d'Hérode se réunissent les chefs des prêtres et les scribes. Ils sont les spécialistes des Saintes Écritures. Ils savent que le Messie doit naître à Bethléem, mais ils ne bougent pas. Leur connaissance reste purement livresque, académique ; elle ne les met pas en mouvement. L'Écriture, elle aussi, est stérile, si elle n'est pas lue dans l'humilité de la foi, dans l'ardeur du désir : c'est un langage de feu, ignitum eloquium, un langage incandescent, dit toujours st Bernard. Les prêtres et les scribes connaissent les Écritures, mais leur coeur n'en est pas tout brûlant ; ils n'ont pas la soif de la recherche. Cette soif, au contraire, aiguillonne les mages et les pousse à suivre l'étoile. Une étoile qui s'est levée aussi sur nous. Nous aussi, de par notre baptême, notre confirmation, notre première communion, nous avons été mis en contact avec la lumière de Dieu. Mais ensuite il a fallu parcourir la route de la vie. Et, parfois ou souvent, la lumière s'est affaiblie. Sont venus les premiers doutes, les premières interrogations : est-ce que tout ce qu'on nous a raconté est vrai ? Et puis, il y a eu les aspérités du chemin, les épreuves. Et nous avons fait l'expérience que la foi est aussi obscure. Il a fallu reprendre la recherche. C'est alors que la Parole de Dieu nous est venue en aide. Aujourd'hui, grâce en particulier à Vatican II, nous pouvons y avoir accès, apprendre à la connaître, et surtout à la goûter. Nous y avons peut-être découvert bien des merveilles, mais aussi de nouvelles questions. Car la connaissance de la Bible, si fondamentale soit-elle, ne suffit pas pour nous donner accès à Dieu. Il faut toujours nous laisser guider par la lumière de la foi, une foi qui fait confiance à ce Dieu si déroutant, ce Dieu qui ne se révèle pas dans les palais des rois, mais dans la petitesse d'un enfant. Une foi que nous avons reçue avec notre baptême dans l'Église et par l'Église : n'est-ce pas dans les bras de la Vierge Marie, figure de l'Église, que les mages venus de l'Orient, figures de l'humanité en quête de Dieu, ont trouvé Jésus ?
Nativité - Terre cuite par Fr. Antoine Gélineau |